LA LAINE, MATIERE SACREE

Tout au long de l’histoire, les moutons ont accompagné les hommes.

L’art de produire des fils textiles préside aux origines de l’humanité puisqu’il répond aux besoins fondamentaux de l’homme. Au même titre que se nourrir ou se loger, se vêtir a toujours été une nécessité vitale pour l’homme et parmi toutes les matières qui contribuent à la satisfaction de ce besoin, aucune ne peut, de par ses propriétés intrinsèques, rivaliser avec la laine. Matière sacrée, utile, esthétique, marchande, elle a accompagné l’aventure des hommes à travers les siècles et les continents, plaçant les grandes civilisations sous le signe de l’ovin et la symbolique du tissage.
La fonction des premiers tissus en laine imitant la fourrure  était de protéger du froid mais aussi d’exprimer son identité et celle du groupe. Si, à l’époque paléolithique , les hommes et les femmes s’habillaient de peaux de bêtes, progressivement, avec l’apparition des premiers outils à base d’os et de pierre taillés, ils confectionnèrent avec les fourrures de caribou ou d’ours, des vêtements plus confortables. Déjà, ils avaient l’idée de concevoir une double fourrure laissant passer entre les deux, une couche d’air servant d’isolant. Les hommes se sont tout d’abord inspirés des animaux que la nature avait généreusement pourvu d’une fourrure, en revêtant leurs peaux . Puis en prélevant les poils des fourrures, ils en ont confectionné du feutre qui ne nécéssitait pas d’appareillage particulier, puis des fils afin de créér des textiles pouvant être utilisé comme vêtement.

 

La laine, matière sacrée

De nombreux mythes attestent de la présence précoce de la laine et le mouton a profondément marqué la culture humaine. Les moutons sont souvent associés aux scènes champêtres et figurent dans de nombreuses légendes, comme la Toison d’or et dans les grandes religions, en particulier les religions abrahamiques.

Jason rapportant la Toison d’Or au Roi Pelias – Muse du Louvre – 340 av.JC

 

 

 

 

Dans la mythologie grecque, Pélias promet à Jason qu’il récupèrera son trône  s’il lui rapporte au risque de sa vie, la Toison d’or, parure d’un bélier ailé qui se trouve alors en Colchide.

 

 

 

Polyphème et Ulysse Jacob Jordaens (c. 1660) Musée Pouchkine, Moscou

 

 

Dans l’Odyssée, les moutons de Polyphème ont une toison si épaisse que les compagnons d’Ulysse se cachent dessous.

 

 

 

Où et quand les populations ont-elles commencé à éléver des moutons pour leur laine ?

 La laine étant une matière kératineuse se décomposant assez rapidement, il est difficile de dater avec précision l’époque à laquelle les hommes ont commencé à élever les moutons pour leur laine.

Si la chèvre et le mouflon constituent le premier bétail domestiqué au Néolithique au Proche-Orient  pour leur viande et leur lait, ces premières populations ne produisent pas de « vraie » laine. Leur pelage est en effet très rêche. Le mouton domestique dérive de la domestication du mouflon sauvage ( Ovis orientalis).

Mais des indices indirects permettent d’estimer les dates d’apparition des races à laine. Il est impossible de distinguer, sur du matériel archéologique, le duvet (ou poils de bourre), précurseur de la laine des premiers moutons, de la vraie laine des moutons à laine (les poils plus grossiers sont appelés poils de jarre). Ce sont donc des indices indirects qui permettent d’estimer les dates d’apparition des races à laine. Les archéologues ont recueilli de nombreux indices prouvant que la sélection et la domestication de moutons laineux ont débuté au Vème millénaire av. JC et même avant dans les villages néolitiques de l’Asie occidentale. Un des avantages de la laine sur les textiles végétaux est qu’elle est beaucoup plus fine. Il faut donc des fusaïoles et des fuseaux plus petits pour la filer. Des études portant sur quelques milliers de fusaïoles retrouvées au Proche-Orient occidental permettent de placer cette date autour de -5000 dans cette région et -4500 en Europe.

 

 

 

Le plus ancien tapis de laine

Parmi les tissus les plus anciens, certaines pièces en laine furent découvertes en 1947 par des archéologues russes, dans des sépultures de chefs nomades apparentés aux Scythes et situées dans la vallée de Pazyryk, dans les Monts Altaï en Sibérie. C’est à cet endroit que l’archéologue russe Segueï Ivanovitch Roudenko découvrit le plus ancien tapis de laine à points noués, intact et mesurant 1m98 sur 1m83 : le tapis de Pazyryk, ou tapis  du nom de la vallée dans lequel il fut trouvé, date de la période achéménide (559 – 330 av. J.-C.)   Les archéologues du monde entier ont fait de nombreuses interprétations des dessins géométriques et locaux de ce tapis généralement daté du ve siècle av. J.-C. avant notre ère, bien que des études récentes au carbone 14 le date autour de -328 à -200 av. J-C. Les influences du tapis semblent nombreuses. L’archélogue russe pensait à une origine persane, il aurait été fabriqué au cours de l’empire perse au quatrième ou cinquième siècle av. J.-C , mais la bordure du tapis formées de griffons ils symboles d’immortalité renverrait plutôt à une influence chinoise. . Lorsqu’on l’a découvert, il était resté longtemps gelé, prisonnier d’un bloc de glace, ce qui explique pourquoi il est aussi bien conservé. Les tombes ont probablement dû être ouvertes par des pilleurs vers le IV ou IIIe siècle avant JC et les précieux textiles avaient dû être protégés et conservés dans ds blocs de glaces . On peut le voir aujourd’hui au Musée de l’Ermitage à St Pétersbourg.

 

 

Tapis de Pazyryk