A l’heure où les ressources diminuent, le monde entier explore les alternatives durables et mène des recherches en innovation textile.  Le coton, dont la culture est très gourmande en eau et en pesticides, atteint plus longuement l’âge de la récolte et produit moins de fibres par acre cultivé. Les fibres à base de pétrole comme l’acrylique ou le nylon sont peu respectueuses de l’environnement. Il est donc indispensable de trouver des alternatives durables à la production de tissus.  Les fabricants remettent au goût du jour les fibres végétales telles que le lin, le chanvre mais aussi l’ortie. Cette plante aux qualités écologiques indéniables offre une alternative intéressante au coton.

 

Pierre Schmitt, entrepreneur qui travaille à dynamiser l’industrie textile durable veut donc remettre à la mode cette fibre, selon lui, bien plus écologique que le coton : “Aujourd’hui pour faire un jean en coton, il faut entre 5 000 et 10 000 litres d’eau. Je pense que la plupart des gens ne s’en rendent pas compte.” Il ajoute : “Selon les spécialistes, entre 30 et 50% des pesticides sur la planète sont utilisés pour la culture du coton. L‘ortie n’a besoin ni d’eau ni de pesticides”.

UN USAGE ANCIEN DE L’ORTIE

 

Au néolithique en Europe, la culture de l’ortie pour l’usage textile était déjà très répandue. La fibre d’ortie servait déjà à fabriquer des étuis de protection pour les outils. Dans l’équipement de la momie Ötzi, datant du Chalcolithique (entre -3350 et -3100) et découverte sur un glacier alpin entre l’Autriche et l’Italie (1991), on a retrouvé le fourreau d’un couteau en silex réalisé à partir de fibres d’ortie et des pointes de flèches fixées sur leur hampe avec ces mêmes fibres. Il a également été découvert au Danemark des linceuls datant de l’âge du bronze (vers -1600) tissés avec des fibres d’ortie.
Les Egyptiens utilisaient également l’ortie. Les corps embaumés des momies égyptiennes étaient enroulés de bandelettes en fibres d’ortie.
Au Moyen Age, l’ortie était largement utilisée pour fabriquer des cordages, des fils et pour vêtir les paysans  Cet usage attesté en Pologne, du XIIe siècle au XVIIe siècle, fut la source principale de fibre, avec le chanvre et le lin, pour la fabrication des tissus et des cordages jusqu’au remplacement de l’ortie par le fil de soie.

L’industrie textile de l’ortie connut son apogée en Allemagne et dans quelques régions françaises, notamment à Angers où l’on fabriquait une toile de très bonne qualité entre le XVème et le XVIIème siècle, avant de décliner mais sans jamais disparaître totalement. En Haute-Savoie, la toile d’ortie était utilisée pour réaliser des torchons très résistants de couleur verdâtre qui blanchissaient au lavage. Jusqu’au XIXème siècle, le trousseau des jeunes mariées, en Ecosse notamment, comprenait des draps et des nappes en fibres d’ortie. Ces trousseaux de linge de maison se sont transmis de génération en génération et on pouvait encore en trouver au début des années 2000 dans certains foyers.

 

 L’ORTIE PENDANT LA GUERRE

 

La fibre d’ortie servait à confectionner les uniformes des grognards de Napoléon en 1812 ou, plus tard, ceux des soldats du Kaiser Guillaume II. En effet, on retrouve en Allemagne des traces de son utilisation jusqu’à la 1ère guerre mondiale dans les uniformes allemands, les toiles de tente et les sacs des soldats. En 1915, face à la pénurie de coton imposée par le blocus, les Allemands sélectionnent, parmi d’autres, la fibre brillante, solide et facile à teindre issue de l’ortie afin de réaliser des chemises et des sous-vêtements pour les militaires. La collecte de la plante est donc organisée en Allemagne et dans les zones occupées. Les Allemands encouragent sa culture, tant pour alimenter le bétail que la population, mais donc aussi pour l’artisanat. Dans la région de Valenciennes, l’ortie fut récoltée pour fabriquer de la ficelle et dans les Ardennes, du tissu. Pendant la seconde guerre mondiale, le tissu non blanchi de couleur verte servait à fabriquer des parachutes, ainsi que des filets de camouflage britanniques, utilisés lors de la préparation du débarquement de Normandie. Dans l’après-guerre, l’un des derniers usages connus de l’ortie fut l’incorporation de ses fibres dans les serpillières.

 

LE DECLIN PUIS LE REGAIN D’INTERET

 

Cette tradition de textile est restée vivace, notamment dans les pays du nord de l’Europe jusqu’au début du XXe siècle. Le déclin de l’usage textile de l’ortie fut alors lié à la difficulté d’obtention de sa fibre qui n’est pas entièrement mécanisable, au coût de la main d’œuvre,  ainsi qu’au faible rendement de la plante en fibres. Et si la production de coton à bas prix a supplanté la plupart des autres fibres textiles végétales dans le monde, en Himalaya, l’usage d’une ortie locale (Urtica parviflora) pour fabriquer des cordages, des tissus et du papier perdure encore aujourd’hui.
Le récent intérêt porté à l’usage textile de l’ortie s’explique par la volonté écologique croissante apparue ces dernières décennies. Sa culture ne demande aucun produit polluant, aucun pesticide et très peu d’eau. L’extraction de cette fibre naturelle et biodégradable est beaucoup moins polluante que celle du coton ou du chanvre par exemple.

 

UNE FIBRE TEXTILE AUX MULTIPLES PROPRIETES

 

Les deux principales espèces utilisées dans le textile sont l’ortie de Chine Urtica nivea et la Ramie. La richesse en fibres résistantes de l’Urtica Nivea lui vaut d’être une plante textile de premier choix au même titre que le lin ou le chanvre. En France, on en confectionnait des draps. Sa parente, la Ramie (boehmeria nivea), non urticante et implantée en Orient, se prête plus encore à la confection de vêtements en tous genres.

Les fibres d’ortie sont d’excellente qualité, longues, résistantes, souples et soyeuses. Elles sont à la fois naturelles et biodégradables mais aussi légères et solides. L’ortie est très isolante, de par ses fibres creuses. La façon dont elles sont travaillées permet d’obtenir différentes catégories de tissus. Tordues sur elles-mêmes, elles s’apparentent à du coton. L’air étant expulsé du creux de la fibre, on obtient un tissu aéré et léger. Au contraire, peu tordues sur elles-mêmes, elles se rapprochent de la laine. L’air  emprisonné à l’intérieur de la fibre fait office d’isolant thermique ce qui permet de résister au froid. Ses capacités d’isolation sont mêmes supérieures à celles d’un tissu synthétique. Cette propriété naturelle est exploitée par les fabricants pour obtenir une étoffe isolante ou au contraire une étoffe estivale plus fraîche.

 

VERTUS MEDICINALES ET SANITAIRES

 

Les bienfaits de l’ortie sont connus depuis l’Antiquité. C’est l’une des plantes médicinales les plus efficaces. L’ortie est utilisée sous de nombreuses formes (décoction, cataplasme, etc.) selon l’effet désiré : diurétique, antirhumatismal, antidémangeaison. Appliquée en lotion, l’ortie lutte contre l’acné. En bain de bouche, la plante se révèle efficace contre les infections : aphtes, gingivite, angine. L’ortie est aussi une alliée de la femme enceinte, la plante favorisant la stimulation du lait maternel.Naturellement riche en vitamines A, B et C, l’ortie est également fortement minéralisée en fer, calcium, magnésium, potassium et phosphore. C’est un excellent complément alimentaire en cas de fatigue passagère. Une fois chauffées, les feuilles d’ortie perdent leur caractère urticant.

 

LA RECOLTE

 

La méthode est comparable à celle utilisée pour les autres plantes textiles comme le chanvre et le lin : le rouissage, le battage et le broyage, le teillage et le filage.

  • Les tiges d’orties sont récoltées à maturité vers août-septembre : les feuilles se fanent, les tiges se colorent de jaune ou de rouge, et les graines mûres tombent.
  • Les tiges sèchent pendant 2 jours afin que les feuilles tombent. Puis la tige est séparée des éventuelles feuilles toujours présentes avant de passer à l’étape suivante.
  • Le rouissage : Les plantes entières trempent dans un bassin à 50-60° C jusqu’à ce que les substances pectiques qui relient les fibres entre elles soient détruites par fermentation. Les fibres peuvent alors être séparées des parties ligneuses. Cette étape est particulièrement odorante chez l’ortie. Elle va durer 6-7 jours, au cours de laquelle il faudra remplacer l’eau tous les jours  pour maintenir la qualité des fibres.
  • L’ortie est mise à sécher puis va subir l’étape de battage et de broyage , c’est-à-dire briser les parties ligneuses. Le battage est réalisé au sol à l’aide de maillets de bois. Le broyage se fait manuellement ou  mécaniquement sur des chevalets munis de couteaux en bois.
  • Arrive la dernière étape de teillage: Des peignages successifs débarrassent la fibre de toutes ses impuretés . On obtient une filasse brute qui sera stockée au sec. La fibre peut alors être filée, de manière à obtenir un fil solide de grande taille qui sera tissé pour confectionner des tissus ou associé à une autre fibre pour obtenir un fil à tricoter.

 

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Sources : Wikipedia, CNRS Thèse de Julien Delahaye, Article Futura-science

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1 commentaire sur “La fibre d’ortie”

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